Niko Virel
alias "Small Didi"
C'est en mai 2918, dans une pièce exiguë creusée à même la roche de Levski, sur Delamar, dans le système Nyx, que Niko Virel vit le jour. Une cité suspendue au bord du vide, entre utopie effondrée et refuge pour les indésirables, un lieu où les registres civils sont aussi poreux que les conduites d'eau, et où les naissances ne figurent que dans la mémoire fatiguée d'un voisin, un lieu d'exil plus que de séjour, où ses parents avaient trouvé refuge après une fuite silencieuse hors des juridictions impériales.
Adrien Virel, ancien analyste de données chez TerraCom Solutions sur Terra III, avait débusqué des incohérences, ou des "vérités", selon les mots utilisés, dans certains protocoles de chiffrement utilisés par des entités gouvernementales. Lorsqu'il tenta d'en parler à ses supérieurs, on lui retira d'abord ses accès. Puis ses responsabilités. Puis ses affectations. Sayla Jan-Virel, son épouse, ex-militaire de la Navy reconvertie dans l'administration, avait compris que l'étau se refermait et que la fuite devenait l'unique option. Elle fit jouer d'anciens contacts, écarta les pistes les plus visibles et quitta tout, sans bruit, pour Levski. Là-bas, au milieu des mineurs désabusés, des activistes fatigués et des survivants de systèmes oubliés, ils pensaient pouvoir vivre sans être retrouvés. Du moins, pour un temps.
Niko naquit entre deux alertes de maintenance, dans un espace communautaire où les alarmes servaient à prévenir aussi bien les fuites de gaz que les descentes surprises. Enfance rugueuse, faite de couloirs sombres, de discussions à voix basse, de silences pleins de sens. Très tôt, il observa. Pas pour intervenir, mais pour comprendre. Il s'initia à la lecture des flux, aux machines usées que les techniciens laissaient ouvertes. Il ne jouait pas aux pirates. Il apprenait les marges. A huit ans, il avait déjà réorganisé l'arborescence d'un vieux serveur éducatif abandonné. A quinze, il publia anonymement un rapport dénonçant la falsification de quotas de maintenance par les chefs de secteur. Le fichier fit le tour de Levski avant d'être discrètement supprimé.
Sayla, toujours rigide, toujours régie par la structure militaire même au cœur d'un monde en ruines, voyait dans cette évolution un risque. Elle rêvait d'un retour à la légalité, à la stabilité. Une opportunité apparut. Un poste dans un service secondaire de Hurston Dynamics, sur Lorville, qu'elle accepta. Adrien, plus effacé que jamais, ne suivit pas. Il resta dans l'ombre de Levski, où son nom finit par se diluer dans les conversations des vétérans.
Sayla emmena son fils, et Niko ne parlera jamais du voyage, ni de son père laissé à l'oubli. Il disait seulement que tout, dans l'atmosphère de Lorville, lui semblait trop contrôlé, trop propre en apparence, trop sale en vérité. C'est ainsi, que vivant de petits boulots, errant, observant, infiltrant discrètement divers réseaux internes des écoles et des services, il croisa "ile-avalon" en 2953, un étrange personnage qui semblait préférer se cacher derrière un pseudonyme plutôt qu'un nom véritable, c'est un "nom de plume" disait-il.
Voyant son potentiel, ile-avalon proposant à Niko de rejoindre la petite équipe de Citizen Logbook, un journal d'information du Spectrum qui vivait encore de la plume et non des modèles de diffusion modernes, tels que la vidéo. Intrigué, Niko accepta. A l'image de son mentor, il opta pour l'alias de "Small Didi", un surnom hérité de Levski, de son père, ou de personne, les récits varient selon l'interlocuteur. Il rejoignit progressivement les rangs du collectif. Pas comme auteur au départ, mais comme "Gardien de la Vérité" comme il aimait le dire, correcteur, analyste transversal. Sa voix n'était pas publique, mais sa présence devint vite indispensable à l'architecture discrète du média.